Quand Toulon-sur-Arroux était un noeud ferroviaire....
Le projet :
Vers 1880, un vaste territoire de l'Ouest du département de Saône-et-Loire était encore à l'écart des grandes voies de communication.
Pourtant, Bourbon-Lancy, avec son usine de machines agricoles et sa station thermale, Gueugnon, avec les forges et toutes les exploitations agricoles de la région avaient besoin d'exporter leurs productions, mais aussi d'importer des matières premières.
Les seules possibilités de transport étaient les voitures hippomobiles et les canaux.
Le Directeur des Forges de Gueugnon, ne pouvait plus se contenter de la Rigole de l'Arroux pour alimenter son usine en plein essor.
De même les cantons de Toulon-sur-Arroux et d'Issy-L'Evêque réclamaient à corps et à cris que leur isolement soit rompu.
Monsieur Sarrien, Président du Conseil Général de Saône-et-Loire, et citoyen bourbonnais, était un fervent défenseur des projets de constructions ferroviaires. En 1888, il fut donc décidé que 2 lignes de chemin de fer d'intérêt local relieraient Etang-sur-Arroux à Digoin et Montceau-les-Mines à Bourbon-Lancy. Ces deux lignes se croiseraient à Toulon-sur-Arroux.
Monsieur Zens, administrateur-directeur de la Compagnie des Chemins de Fer Départementaux fut chargé de l'exécution des travaux et la ligne Etang-Digoin fut mise en service le 30 juillet 1893, Elle connut immédiatement le succès.
Ligne Toulon-Issy-Bourbon.
Voyant l'apport économique que représentait la ligne Etang-Digoin pour les communes traversées, la municipalité d'Issy-l'Evêque insista en 1895 pour que la seconde ligne fut construite au plus vite. Le Conseil Général y mit cependant un bémol : seul le tronçon Toulon-Bourbon serait mis en chantier. Il fut déclaré d'utilité publique le 28 juillet 1897 par sénateurs et députés, et promulgué au Journal Officiel le 1° août 1897 par le Président Félix Faure.
L'autre section, Montceau-Toulon, ne verra jamais le jour : la première Guerre Mondiale et la situation économique de la France dans les années qui suivirent, entraînèrent l'abandon définitif du projet.
En 1898, le tronçon Toulon-Issy fut mis en chantier, mais face à la pression des élus locaux, on s'orienta vers un tracé défectueux qui, par la suite, amènera à la fermeture de cette ligne peu rentable.Il y eut de nombreuses fautes de conception. Pour exemple, la gare baptisée « Montmort-Sainte-Radegonde » était située loin des deux bourgs concernés, étant de fait peu utile pour les villageois.
On réalisa ensuite les tronçons Issy-Maltat puis Maltat-Bourbon (1898-1899). Tout était achevé en mai 1900. L'inauguration eut lieu, avec les festivités et réjouissances que l'on imagine, le 16 mai 1900.
Par la suite, lors des grandes foires locales, des trains de 10 wagons furent tractés, chargés de bétail. En temps normal, trois transports journaliers étaient assurés.
Sur ses 45 kilomètres, cette ligne desservait les gares de Toulon, Montmort-Ste-Radegonde, Issy, Grury, Cressy-sur-Somme, Maltat, Bourbon-ville et Bourbon-Le Fourneau. Des arrêts facultatifs pouvaient avoir lieu aux Dorains, à Montpeyroux, Corcelles, Montortu et à la Cour.
Le trajet durait 2 bonnes heures ! Les haltes n'étant pas gardées, le conducteur devait actionner le sifflet de la locomotive pour signaler son arrivée.
Cette ligne fonctionna pour les voyageurs du 16 mai 1900 au 1° novembre 1932 et jusqu'au 1° mai 1939 pour les marchandises. Devant la concurrence des transports routiers, surtout avec l'arrivée des autobus en 1932, il fut mis fin à cette belle page d'histoire locale.
Ligne Etang-Digoin :
L'autre tracé, Etang-Digoin,, et surtout le tronçon Gueugnon-Digoin, fut beaucoup plus rentable. Cette ligne de 53 kilomètres fut la première voie « métrique » de Saône-et-Loire. Elle fut ouverte le 30 juillet 1893. Seule la construction de l'ouvrage le plus important, le pont-viaduc du Gourmandoux, à Toulon, retarda quelque peu cette ouverture.
Etaient desservies les gares d' Etang-sur-Arroux, la Tagnière, St-Nizier, Dettey, Charbonnat, la Boulaye, Toulon, Uxeau, Vendenesse-sur-Arroux, Gueugnon, Rigny-Clessy et Digoin.
Toulon, située à mi-parcours était le dépot-atelier (voir plus loin).
Pendant le premier conflit mondial, les forges de Gueugnon tournèrent à plein régime et le chemin de fer fut fort utile. L'activité voyageur était forte de par les ouvriers qui se rendaient à Digoin et Gueugnon.
Après 1932 (et l'arrivée des transports par autobus), l'apparition des autorails permit à la ligne ferroviaire de résister encore quelques années. Mais la baisse d'activité des forges entraîna une baisse du secteur voyageurs qui ferma le 15 septembre 1953, après 60 ans de bons et loyaux services, Par la suite, des projets furent étudiés pour relier Gueugnon à la ligne Chalon-Digoin, mais tout tomba à l'eau.
L'impact du chemin de fer sur Toulon :
En gare de Toulon, étaient regroupés tous les grands services des deux lignes de chemins de fer qui se rejoignaient en son sein :
- service « exploitation-gestion et agents de conduite »,
- service « traction et matériel »
- dépôt (10 locomotives numérotées de 201 à 210)
- ateliers de réparation et de constructions
- formation des trains et triage des wagons pour la correspondance avec Bourbon.
En 1910, la gare de Toulon employait 154 personnes. Les retombées commerciales faisaient vivre une cinquantaine de foyers (cafés, hôtels, épiceries, menuiseries,...) et un embranchement permettait de relier la gare à la Coopérative Agricole.
Environ 22 000 personnes étaient transportées lors des années les plus florissantes, ainsi que 2 000 bêtes .
On comprend que la décision du Conseil Général de fermer les deux voies de chemins de fer en 1932 pour l'une et en 1953 pour l'autre fut mal accueillie par les Toulonnais.